La Fille de Monaco

Publié le par cameophilie


Depuis Nettoyage à sec en 1997, le cinéma d’Anne Fontaine s’est en majorité articulé autour de la figure du trio « amoureux » au sens large du terme. C’est-à-dire trois personnes prises dans les rets de relations troubles et équivoques, régies par le désir (re)naissant et la (re)découverte d’une sexualité libérée de certains tabous. La transgression traverse ainsi l’œuvre de la réalisatrice de Entre ses mains avec parfois une inutile propension à vouloir choquer – ce fut en particulier le cas en 2003 avec le décevant Nathalie.

La Fille de Monaco apparaît de prime abord plus léger, voire inconsistant : un éminent avocat Bertrand Beauvois s’installe à Monaco pour assurer la défense d’une septuagénaire meurtrière. Il se voit flanqué de Christophe, un garde du corps chargé de veiller à sa protection – la victime était un Russe dont la famille débarque sur le Rocher. Par hasard, Bertrand croise Audrey, une sexy et ambitieuse présentatrice du bulletin météo sur la chaîne locale de télé. Le magistrat brillant et compliqué, qui ne mène jamais bien loin ses aventures amoureuses, tombe illico amoureux de la jeune fille délurée, peu scrupuleuse et pas du tout avare de ses charmes. Sous les yeux du factotum – qui fut aussi le petit ami d’Audrey – se met en place un curieux manège où Bertrand, persuadé jusqu’alors de tout contrôler grâce à sa maîtrise de la parole, qui est aussi son outil de travail, perd petit à petit ses marques.

Mais, sous ses apparences clinquantes, dont Monaco se fait depuis longtemps le réceptacle assumé, le film gagne progressivement en profondeur et en cruauté. Bertrand et Audrey semblent se rendre service mutuellement : elle le décoince et il est porteur de perspectives nouvelles et prometteuses. Elle utilise son corps de la même manière que lui son élocution et sa faconde. Un jeu de dupes dont le flegmatique et rigide Christophe est témoin en en connaissant toutes les ficelles. Un jeu fatal où chacun perdra beaucoup, comme s’il y avait une incongruité à vouloir changer de place, de rôle. Le procès pour lequel plaide Bertrand est d’ailleurs une déclinaison d’un autre trio diabolique : la mère, le fils et l’amant des deux.

La Fille de Monaco bénéficie d’une interprétation impeccable : Louise Bourgoin réincarne la légende Bardot avec certes un peu plus de vulgarité, qui sied à ravir au personnage. On sait gré à Fabrice Luchini de sa composition sobre : curieusement ce sont ici les traits du visage qui expriment le mieux le désarroi intérieur de l’homme. Pierre d’achoppement du trio, Roschdy Zem s’en sort haut la main : impassible, effacé et peu loquace, il a quelque chose de fascinant.

Enfin, on peut aussi voir La Fille de Monaco sous l’angle de la satire sociale, où l’appât du gain et l’attrait pour tout ce qui brille deviennent le mode de fonctionnement. Les références d’Audrey – de Diana à la télé-réalité, en passant par les croyances superstitieuses – concourent à en faire une pauvre fille, certes bien dans son époque, celle de la vacuité absolue, mais sans les moyens de sa pathétique ambition.



Publié dans Aimable

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