Be Happy

Publié le par cameophilie



On déplore suffisamment que certains cinéastes fassent toujours le même film pour ne pas regarder d'un œil curieux le dernier opus du britannique Mike Leigh. Etrangement, si sa filmographie peut passer de la comédie ironique au drame désespéré, on a plutôt tendance à l'associer au second registre ; sans doute parce que des films comme Naked, Secrets et mensonges, ou encore All or nothing restent davantage gravés dans notre mémoire.


Ce qui ne sera certes pas le cas avec Be Happy, portrait tonique, mais vain, d'une institutrice résolument optimiste, s'évertuant à voir la vie du bon côté, persuadée que sa bonne humeur communicative finira par rejaillir sur son entourage. Poppy, puisque c'est ainsi que l'on doit l'appeler, est une fille haute en couleurs : en témoignent ses tenues extravagantes et l'univers dans lequel elle évolue. On n'a jamais vu l'Angleterre peinte avec une telle débauche de coloris, aux antipodes de la noirceur habituelle chère pourtant à Mike Leigh. Be Happy se veut donc une tranche de la vie de Poppy, durant laquelle elle apprend à conduire et rencontre un moniteur qui est son parfait contraire : un solitaire angoissé, frisant la paranoïa, proférant des propos limite xénophobes, révélant un comportement de plus en plus imprévisible et agressif. Chaque samedi à midi, Polly prend sa leçon de conduite, qui se transforme en conversation surréaliste.
L'hyperactive institutrice, qui vit en colocation avec Zoé, une copine avec qui elle a pas mal bourlingué en Asie du Sud-Est, suit par ailleurs des cours de flamenco, avec une prof complètement allumée. Cette pasionaria aux méthodes peu orthodoxes vaut à elle seule le détour.

Et puis, quoi d'autre encore ? Eh bien rien justement. C'est bien là tout le paradoxe de ce film pour le moins mineur dans l'œuvre de Mike Leigh. On ne saisit pas vraiment les motivations du réalisateur, sauf à nous faire (sou)rire et à nous montrer les limites et les dangers d'un comportement extraverti. Pour ce qui est du premier objectif, c'est à peu près raté : car, non seulement Poppy fait peu rire - peu d'éclats de joie dans la salle où était projeté le film - mais surtout elle horripile prodigieusement : moulin à paroles, grimaces et mimiques agaçantes, humour au ras des pâquerettes, il nous viendrait des envies de meurtre. Au fond, elle en fait des tonnes, rendant sa conduite presque suspecte et artificielle. On ne peut s'empêcher de penser que Poppy se fout surtout pas mal des autres : un peu du moniteur qui, il faut le reconnaître, lui fournit toutes les raisons de le faire ; pas mal aussi, par exemple, de sa sœur mariée, enceinte et repliée sur ses petites préoccupations. Et alors, en quoi l'existence de Poppy et ses copines est-elle supérieure ? Et si tant est qu'elle le soit, Be Happy ne le montre en rien puisqu'il n'y a pas la moindre évolution du personnage entre le début et la fin.

Le film demeure nébuleux tout comme les intentions de son auteur. Certes, la " positive attitude " ne permet pas de résoudre tous les problèmes et les malheurs des autres et elle peut même être perçue comme une agression. Poppy, d'une expérience en effet traumatisante, ne paraît tirer aucun enseignement, préférant conter fleurette à un membre de sa caste et sortir avec ses copines. Tout compte fait, cette Poppy est un personnage décevant, sans grand intérêt, assez détestable et profondément irritant. A oublier très vite.



Publié dans Abominable

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