Les Joies de la famille
En Suède, un couple homosexuel qui désire adopter un enfant
écope, suite à une malencontreuse bourde typographique, dun ado de quinze ans,
délinquant échappé dun foyer. Adapté dune pièce de théâtre à succès, Les Joies de la famille est le nouveau
film de la réalisatrice et scénariste Ella
Lemhagen, dont les uvres précédentes ne sont pas arrivées jusquà nous, en
dépit dun accueil favorable dans différents festivals (Göteborg, Toronto).
Présenté à Châtenay-Malabry et à Grenoble où il glana quelques récompenses, Les Joies de la famille sort cette
semaine en France.
Alors que La Cage aux Folles reprend du service sur les planches avec les inénarrables Clavier et Bourdon et que Jugnot campera bientôt un couturier maniéré et affublé de tous les tics de la grande folle, on apprécie de voir à lécran un couple homo qui ne véhicule pas une image passéiste, rance et ringarde telle quelle semble être en vogue dans notre pays chantre de lexception culturelle, on croit rêver. Il est vrai cependant que la Suède se situe comme la pionnière en ce qui concerne les droits des homosexuels, qui peuvent ainsi se marier et envisager ladoption. Lenjeu du film de Ella Lemhagen ne repose donc pas sur le statut particulier de ses héros, plutôt bien intégrés dans le quartier où ils emménagent, mais sur le quiproquo et sur ladaptation aux circonstances.
Dès lentrée, le ton est donné : une fête de quartier bon enfant avec débauche de couleurs pétantes et déchanges de politesses entre invités et voisins. Les bons sentiments dégoulinent en effet dans Les Joies de la famille et deviennent le moteur dune narration aux rebondissements prévisibles. Malgré les obstacles, les doutes senvolent rapidement sur la teneur forcément favorable de laboutissement de lhistoire. Tant de sirop et de mièvrerie finissent par écurer et devenir indigeste. Cest dautant plus regrettable que la réalisatrice passe à côté dun sujet en or : en dépit dune ouverture desprit patentée, dont on ignore dailleurs si elle précède les politiques libérales ou si elle en est la conséquence plus ou moins obligée, le quartier propret aux haies taillées au cordeau et aux jardins entretenus avec amour nest pas quun havre de sérénité. Derrière une façade ripolinée se cachent forcément secrets, mesquineries et coups bas. Le lotissement suédois à peine perturbé par les passages en trombe du beauf local nest pas sans rappeler celui quexaminait avec autrement plus de sagacité, pour ne pas dire de méchanceté jouissive, lautrichien Ulrich Seidl dans Dog Days en 2002.
Sans remettre en cause la qualité de linterprétation ni même celle de la réalisation dont la photographie est particulièrement soignée, il faut cependant bien avouer que Les Joies de la famille a quelque chose de lénifiant, où le manque flagrant daspérités ne peut retenir très longtemps lattention. Cest donc sans difficulté que lémotion affleure, mais elle est davantage fondée sur la sensiblerie que sur lempathie profonde et sincère. En traquant le consensuel et en visant un large public, Ella Lemhagen arase la portée de son propos et donne à voir un film simplement plaisant où la niaiserie prend le pas sur le regard critique.