L'Amour dure trois ans - Frédéric Beigbeder

Publié le par Patrick Braganti

affiche-copie-8Les écrivains, fussent-ils talentueux, qui se voient en cinéastes adaptant leurs propres œuvres, réussissent rarement leur coup quand ils ne se ridiculisent pas. Ceux qui ont su franchir le cap sont des exceptions à tous niveaux (Malraux, Duras) tandis que d’autres sombraient dans l’emphase et le ridicule (les exemples récents de Bernard-Henri Lévy et Michel Houellebecq témoignent du naufrage). Parce qu’il est moins prétentieux et plus malin - être rusé et filou comme nouvel art de vivre et de penser -, le trublion Frédéric Beigbeder signe un premier long-métrage qui certes n’a pas grand-chose à voir avec le cinéma, mais qui, du fait de son absence d’ambition et son ton ouvertement décalé, agrémenté de quelques répliques faisant mouche, se laisse regarder sans réel déplaisir.

 

Homme du milieu littéraire, des cercles d’éditeurs (il fut directeur de collections chez Flammarion), Frédéric Beigbeder a été aussi publicitaire avant de succomber aux sirènes des médias (il anime aujourd’hui l’émission Le Cercle, version télévisée, rajeunie et moins pédante que son ancêtre radiophonique Le Masque et la Plume). Qu’il s’en défende ou l’assume avec distance et autodérision, l’auteur de 99 Francs est un homme d’influence, ne manquant ni de culture (littéraire surtout) ni d’entregent (le casting de L’Amour dure trois ans est un savant et iconoclaste patchwork entre vedettes de la télé version Canal+, gloires passés et ringardes du cinéma et penseurs incontournables : Bruckner, Finkielkraut,…). Nul ne doute qu’il ait rencontré beaucoup de difficultés à réunir les fonds pour réaliser et produire ce film, sorte de madeleine sympathique, mais terriblement nombriliste où l’auteur se met lui-même en scène au travers de l’humoriste Gaspard Proust, le bien-nommé, double un peu terne de Beigbeder. C’est d’ailleurs l’impression générale qui ressort du film : mollesse, facilité, fainéantise du  scénario et de la mise en scène – d’ailleurs peut-on parler ici de mise en scène dans cette succession de séquences nourries à la culture de plus en plus néo-beauf de Canal+. L’homme de la publicité connait l’impact des slogans et maîtrise le sens de la formule mais il ne sort guère du périmètre de Saint Germain, dépeignant un monde ostentatoire complètement déconnecté de la réalité. Mais que font tous ces gens pour vivre dans de tels endroits, avoir un tel train de vie ?


L’abattage de Louise Bourgoin – à qui on recommandera d’en profiter un maximum car son heure de gloire passera avec l’érosion de sa plastique, déjà en germe – et la drôlerie habituelle de sa consœur Frédérique Bel apportent beaucoup au film alors que les rôles masculins s’en sortent beaucoup moins bien. Vite vu et encore plus vite oublié, ce petit produit formaté à tous les codes en vigueur épouse en effet l’air du temps : malin, charmeur, mais vide et superficiel, jouant au final avec indécence et une vulgarité rampante d’une dérision autoproclamée que son auteur manie avec un art consommé.

 

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Publié dans Abominable

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