Le Cheval de Turin - Béla Tarr

Publié le par Patrick Braganti

affiche-copie-12Annoncé comme le dernier film du hongrois Béla Tarr, Le Cheval de Turin procède par analogie en mettant sn scène durant six jours la fin du monde au travers de l’existence d’un fermier et de sa fille, enfermés dans leur maison isolée battue par des vents incessants tandis que le cheval refuse de quitter son écurie. Alors qu’il fallut également six jours au Créateur pour engendre le monde et ses espèces, le réalisateur de Damnation envisage le même laps de temps à faire disparaître les éléments et la lumière. Comme toujours, l’expérience proposée par le cinéaste est d’abord de l’odre du sensoriel et de l’esthétique, résumée dans le filmage en noir et blanc de très longs plans-séquences dont les dialogues sont généralement réduits, sinon bannis.

 

En neuf longs-métrages de 1979 à aujourd’hui, Béla Tarr a forgé une œuvre exigeante et radicale, à l’indéniable beauté plastique et à l’étrangeté poétique persistante (la musique et, plus généralement, les ambiances sonores participent à cette atmosphère). Encensé à travers la planète et les festivals, le réalisateur du Tango de Stan (450 minutes) reste ainsi comme un esthète incontournable, se confrontant toujours plus à l’abstraction et à la métaphysique. En toute logique, son cinéma requiert attention et capacité à pénétrer l’univers proche du désespoir, de la déshérence et du néant qu’il met en scène. Il réclame du coup une disposition particulière qui interdit toute réception en demi-teintes : autrement dit, c’est l’adoration ou la détestation. Mais ce jugement abrupt peut très bien ne pas être constant : avoir été subjugué hier par le plan d’ouverture de L’Homme de Londres ou les trente-neuf scènes des Harmonies Werckmeister ne suffit hélas pas à être à nouveau transporté par Le Cheval de Turin. Dans cet opus ultime, peut-être le système Béla Tarr poussé à son paroxysme (absence de trame narrative, épuisement des angles de prises de vue pour un même lieu, ambiance excessivement désespérante) tourne t-il un peu à vide, ou plus certainement le filmage majoritairement circonscrit à la maison austère d’habitation diminue t-il d’autant les longs plans larges en extérieur. D’ailleurs, le premier plan (le fermier revient chez lui avec son attelage dans un paysage désolé et soufflé par une tempête incessante) ainsi que les rares sorties des deux occupants de la ferme offrent des beaux moments de cinéma.

 

Cependant, la noirceur du sujet, l’impression d’étouffement et de claustrophobie qui saisit le spectateur, impression renforcée par la répétition des gestes quotidiens, et les infimes variations marquant le passage des jours peuvent avoir raison de sa vigilance, déçu au final de n’avoir pu (ou su) entrer dans ce film en effet incomparable et unique, œuvre testamentaire. Sans doute faudra t-il un jour à venir offrir une seconde chance au Cheval de Turin

 

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