Le Roman de ma femme

Publié le par Patrick Braganti



Changement de cap pour le troisième film du réalisateur tadjik Djamshed Usmonov, qui après L’Ange de l’épaule droite (2003) et Pour aller au ciel, il faut mourir (2006) abandonne les montagnes de son pays natal pour la Dordogne, théâtre d’un film noir, curieusement intemporel,  à l’ambiance feutrée et perverse qui n’est pas sans rappeler l’univers cher à Georges Simenon. Lorsque son mari Paul disparaît la laissant désorientée et seule face à la désagréable surprise d’une fortune évanouie, sa femme Eve se tourne vers une vieille connaissance, Maître Chollet, qui lui prête main forte pour sortir de cet étrange imbroglio. Inutile d’en rajouter quant à l’intrigue sous peine de tuer les rebondissements propices au genre, mais ce n’est pas déflorer le suspense en évoquant ici un jeu subtil, machiavélique, voire vénéneux du chat et de la souris, dans lequel la manipulation et l’ambigüité sont les maîtres-mots. Outre le plaisir d’être soi-même mené par le bout du nez, il y a aussi dans Le Roman de ma femme celui d’être face à une œuvre optant pour une mise en scène dépouillée et épurée, à la limite de l’austérité dans la rareté des dialogues, la solennité des intérieurs bourgeois et la sobriété des deux personnages qui confine ici à l’enfermement, au repli sur soi. Dans ce registre, l’acteur belge Olivier Gourmet excelle comme d’habitude, ce qui n’étonne plus personne. En revanche, c’est Léa Seydoux, vue chez Christophe Honoré, et dernièrement dans le sombre Belle épine, qui impressionne : avec ses cheveux blonds tirés en chignon, une élégance distante et presque rigide, elle évoque la fragilité enfantine et suscite un trouble équivoque à l’image des héroïnes hitchcockiennes.

 

Cinéaste étranger formé dans son pays, forcément influencé par sa culture et ses origines, Djamshed Usmonov réussit néanmoins l’étonnant exploit de donner à voir un film on ne peut plus français, tant dans l’observation acérée de certaines mœurs provinciales que dans l’appropriation des codes du drame policier. Le rythme lent, la longueur des plans souvent fixes et l’impression d’être dans un temps indéterminé, quelque part entre les années 70 et aujourd’hui, happent le spectateur, le plongent sans déplaisir dans un film modeste et faussement lisse, refusant l’ostentation de la mise en scène pour lui préférer la suggestion.

Publié dans Aimable

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F
Tout à fait d'accord. Un film étrange et pas si lisse que ça...
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