Import Export
Projeté dans le
cadre du Tour de France des cinéastes européens, Import Export nous vient dAutriche, signé par Ulrich Seidl, réalisateur en 2002 de Dog Days, un entrelacement de six histoires dramatiques durant un
week-end caniculaire, un précis sordide et clinique de décomposition de la
nature humaine. Six ans plus tard, sur un territoire élargi, de lAutriche à lUkraine
en passant par la Slovaquie, Ulrich
Seidl renoue avec les mêmes thèmes de manière encore plus provocatrice et
radicale, pour ne pas dire nauséabonde et volontairement choquante.
En effet, dans ce
chassé-croisé entre Olga, infirmière ukrainienne migrant vers un Ouest
prometteur de meilleurs lendemains et Paul, vigile autrichien au chômage
convoyant à lEst des marchandises en compagnie de son beau-père (ou père ?),
rien ne nous est épargné. Il faut même en dresser une liste exhaustive, histoire
de prouver la propension du réalisateur au toujours plus : en Ukraine, où
lon vit forcément à côté dune centrale nucléaire, on est pute si on ne
travaille pas dans un hôpital délabré ; en Autriche, le veilleur de nuit
se fait agresser dans un parking souterrain, contracte des dettes auprès de
tout le monde, vit entre un père (ou beau-père ?) dragueur et une mère à
la ramasse. Le changement de lieu narrange rien à laffaire : après avoir
travaillé comme femme de ménage chez une bourgeoise évidemment odieuse, Olga
devient fille de salle dans un hospice (mouroir ?) où agonisent des vieux
séniles et grabataires ; de son côté, Paul assiste aux délires de son
beau-père avec une pauvre fille terrifiée et humiliée avant de mettre les
voiles définitivement. Le tout, bien sûr, bénéficie dun éclairage constamment
glauque, dune palette de coloris pisseux et délavés les scènes interminables
à lhospice atteignant les cimes de lexhibitionnisme outrancier et putassier.
Après tout, ce sont
toujours les mêmes recettes auxquelles Ulrich
Seidl a recours dune manière proche de celle dun Steve McQueen avec Hunger, à savoir la prise en otage dun
spectateur transformé en voyeur auquel on assène une succession de scènes choc
censées démontrer la puissance provocatrice et signifiante de leur auteur. Mais
franchement a-t-on besoin dune énième diarrhée cinématographique pour
percevoir la saloperie humaine, sa cupidité et sa bassesse. En parfait
entomologiste, Ulrich Seidl observe
ses personnages avec une telle distance et un mépris si ostensible quil finit
par ôter toute humanité sans même évoquer lamour ou la rédemption à ses
personnages abandonnés au bord dune route, livrés à eux-mêmes dans limmense
tourmente mondiale, où la migration napparaît plus comme une promesse despoir
ou davenir plus radieux. Des trois pays, on ne voit que des périphéries
dévastées et déshumanisées, des immeubles, des galeries commerciales ou des
hôpitaux tout aussi délabrés.
Cette surabondance
qui noffre aucune échappatoire et qui, du coup, sombre dans la caricature et
le désir de choquer nuit énormément à Import
Export, dont il faut pourtant louer le sens du cadrage et la tenue de la
mise en scène. Le film repose en grande partie sur le montage en parallèle des
destinées dOlga et Paul deux corps parfaits au milieu dune galerie de corps
décharnés et abimés, qui semblent néanmoins asexués. Quant au travail sur le
cadre, il se manifeste par son agencement géométrique, opérant sur la symétrie,
le centrage dun objet et la présence quasi constante de trois fenêtres. Autant
de signes prouvant la réflexion menée par Ulrich
Seidl, qui aurait davantage porté ses fruits à saccompagner dune plus
grande finesse et à sextraire de ses facilités affligeantes.