Happy Sweden
Happy Sweden se compose dune succession de saynètes
habitées de personnages récurrents, filmées de manière souvent décalée en
longs plans-séquences, jouant beaucoup avec le hors-champ. Comme son titre le
laisse entendre, le deuxième film de Ruben
Östlund ausculte la société suédoise, et plus précisément, se livre à une
réflexion sur linfluence du groupe, la place de lindividu au sein du
collectif.
Cest dabord lagacement
qui nous envahit à la vue de scènes bizarrement filmées, sans quil soit
possible de saisir les motivations du réalisateur pour ses curieux partis pris
de mise en scène : cadrage sur les pieds, ajout de barrières pour
atteindre les personnages vitres, miroir, distance tout simplement et inscription
dans la durée jusquà provoquer la nausée. Toutes ces historiettes ne
paraissent pas revêtir grand intérêt et difficile dès lors de se passionner
pour lanniversaire dun homme qui prend un feu dartifice en pleine figure,
pour les deux copines de quinze ans, lolita perverses, pour un bus et ses
passagers qui traversent le pays, ou encore pour une institutrice qui tente denseigner
le poids de lenvironnement social à ses élèves, sans oublier un groupe de
sportifs aux pratiques étonnantes.
La patience finit
par être récompensée et, lorsque la sauce épaissit et prend, Happy Sweden, sans lourdeur et avec
plutôt une certaine subtilité, fait voler en éclats le modèle dune société
qui, au final, connait des malaises et des failles identiques aux autres. Deux
moments se dégagent en particulier : suite à une dégradation minime à lintérieur
des toilettes du car, le chauffeur décide de ne pas reprendre la route tant que
le coupable ne se sera pas désigné et linstitutrice doit subir lostracisme de
ses collègues lors dune affaire de mauvais traitement infligé à un garçon par
un de ceux-ci. Ruben Östlund montre
simplement que, derrière les apparences policées et lisses dune société
réputée pour son ouverture desprit et ses avancées sociales, couvent des
dysfonctionnements en puissance, des dérapages incontrôlés. Cest le plus
souvent au travers de dialogues fournis où sexpriment les contradictions et
les malentendus et où se déploie un art revendiqué de la dialectique que Happy Sweden nous captive, tout comme la
rigueur de sa construction et la maîtrise de son montage. Et permet doublier
les imperfections, ainsi que le
voisinage dun mauvais goût qui irrite et ne fait pas rire.