L'Empreinte de l'ange

Publié le par cameophilie


L’Empreinte de l’ange est assez symptomatique d’un certain cinéma français qui affiche exigence et originalité, sans toutefois en assumer l’entièreté et donc tenir les promesses alléchantes qu’il semblait contenir. A cet effet, l’histoire d’Elsa Valentin est édifiante et porte en elle tous les attributs évoqués plus haut. Préparatrice en pharmacie, en plein divorce, elle ne s’est jamais remise de la disparition tragique de sa petite fille, navigue depuis entre dépression et obsession. Une terrible obsession qui la persuade qu’une gamine de six ans croisée à un goûter d’anniversaire où elle revient chercher son fils Thomas est sa propre fille.

Pendant les trois quarts du film, se met en place l’étrange et anxiogène stratagème d’Elsa pour retrouver la trace de la petite fille aperçue. Femme malade et mythomane, à ses heures menteuse et manipulatrice, elle tisse une sorte de toile autour de l’autre famille jusqu’à affronter l’autre mère.
L’Empreinte de l’ange vaut avant tout par le face-à-face qu’il opère entre les deux mères, campées par deux comédiennes chevronnées : Catherine Frot promène un regard étranger sur son personnage de plus en plus isolé et imprévisible, tandis que Sandrine Bonnaire incarne la parfaite mère de famille à qui l’on veut nuire en s'en prenant à son enfant. En faisant d’Elsa un personnage antipathique à la froideur calculatrice, le réalisateur Safy Nebbou risque le pari osé d’une impossible compassion. Elsa paraît en rupture avec son entourage, en premier lieu avec son fils qu’elle admoneste facilement, qu’elle utilise d’abord à ses propres fins.

Le film pourrait se contenter – et il en a les moyens en mise en scène, en ressort dramatique et en qualité interprétative – d’être un drame psychologique interrogeant le statut de mère et donc choisir d’aller jusqu’au bout de son audace : une femme dépressive à la limite de la folie, mais une folie avant tout tournée contre elle-même, qui l’empêche d’oublier le passé et de regarder vers l’avenir. Hélas, au dernier quart, L’Empreinte de l’ange, qui se veut aussi thriller, opte pour la plus mauvaise des veines explicatives et, outre la grosseur des ficelles employées, se saborde lui-même en réduisant à néant ses prétentions. Ce besoin de tout expliquer – qui du coup va à l’encontre de tout ce que le film s’est évertué à mettre en place – détruit d’un coup son architecture convaincante. Cerise ultime sur le gâteau soudain insipide : un carton nous informe que l’histoire est inspirée de faits réels, comme un gage d’authenticité qui est pourtant à l’opposé de l’idée même de cinéma. Les journaux sont remplis de faits divers et devraient bien suffire à étancher notre soif de réel. Doit-on rappeler que le septième art, même s’il peut effectivement trouver matière dans la réalité, existe d’abord pour se l’approprier et en livrer une version personnelle et formelle ?

Ce que réussit pour une grande part L’Empreinte de l’ange, notamment par une mise en scène qui alterne longs plans-séquences et scènes filmées caméra à l’épaule en parfaite osmose avec l’esprit changeant, voire schizophrène, de l’héroïne. L’élément aquatique – du liquide amniotique inhérent à la fonction maternelle à l’eau de la piscine ou de la baignoire – véhicule son lot de symboles et d’enjeux.
Film honnête porté par le jeu de ses deux interprètes principales, L’Empreinte de l’ange en ne tenant pas la corde jusqu’à la fin, faute d’ambition et de cohérence, réduit d’autant son envergure et rate le coche du très bon long-métrage.



Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article