Los Herederos - Les Enfants héritiers - Eugenio Polgovsky

Publié le par La Houlette du Hérisson

affiche-copie-35Tourné en 2008 au Mexique, sorti en France en septembre 2011, Los Herederos est un documentaire signé par Eugenio Polgovsky, né à Mexico en 1977 où il se consacre à la photographie dès son plus jeune âge. Autodidacte, il passe néanmoins par l’école de cinéma de sa ville de naissance et réalise en 2004 un premier documentaire remarqué, Tropico de Cancer, qui propose une immersion totale dans le quotidien des habitants du désert mexicain. Quatre années plus tard, c’est le même esprit d’immersion qui préside au nouveau projet de Polgovsky.

 

Celui-ci va sillonner pas moins de six régions du Mexique et suivre l’existence des populations rurales, et plus précisément des enfants répétant les mêmes gestes, perpétuant les mêmes traditions que leurs ancêtres. Une répétition des tâches harassantes qui atteste simultanément de la grande misère dans laquelle survivent ces populations et d’une situation figée connaissant peu d’évolutions. L’activité rudimentaire et difficile que filme sans aucun ajout – pas de musique additionnelle et encore moins de commentaires – évoque pour nous Occidentaux nantis des temps révolus et moyenâgeux. En parfait documentariste, Eugenio Polgovsky réfute le moindre apitoiement. Sa caméra capte frontalement une existence de labeurs répétitifs et épuisants où les échanges et les marques de tendresse ou d’amour filial sont rarissimes. À peine voyons-nous quelques jeux entre gamins se chamaillant, mais trop occupés par leurs travaux de garde des chèvres, de ramassage des légumes ou de tissage des cotonnades, les enfants, filles comme garçons, sont déjà considérés par leurs parents comme des travailleurs vers qui aucun geste de gratitude ou de tendresse n’est jamais adressé. Au contraire, dès leur plus jeune âge, ils semblent corvéables à l’infini, participant sans qu’ils en aient réellement conscience à la répétition de rites séculaires et éternels. Dans la démarche frontale et sans artifice de Polgovsky, on retrouve les caractéristiques de toute l’œuvre d’un Frederick Wiseman. Une absence identique du moindre ajout pouvant nuire à la réception ou du moins l’altérer et la même ambition sociologique de dresser un état des lieux dans un souci d’authenticité. À travers le monde, les festivaliers et les spectateurs ne s’y sont pas trompés qui ont décerné pas moins de dix-huit récompenses à Los Herederos. Une splendide et poignante ode à une génération d’enfants sacrifiés et sans possibilité d’échappatoire. Œuvre salutaire et magistrale puisque Eugenio Polgovsky réussit la double mission de faire du cinéma et d’être un éclaireur vigilant d’une situation alarmante. Puissant et indispensable.

 

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