Sin Nombre
En tant que spectateurs français, nous avons loccasion de
voir un certain nombre de films traitant de limmigration vers lEurope. Ici
cest un sujet brûlant, qui ouvre à polémiques. Il est utile délargir de temps
à autre notre vision du phénomène dont on se doute aisément quil a une
dimension planétaire, et de découvrir ainsi la vision de Cary Fukunaga, jeune cinéaste dorigine californienne qui signe
avec Sin Nombre son premier
long-métrage.
Les Etats-Unis continuent à constituer un eldorado fantasmé par les populations sud-américaines qui, fuyant misère et avenir bouché, croient en des jours meilleurs au Nord. Cest le cas pour la jeune Sayra qui, en compagnie de son père et de son oncle, quitte le Honduras pour traverser le Guatemala et le Mexique, perchés sur les toits des wagons de marchandises, pour tenter datteindre la frontière américaine. Durant son périple, elle croise Casper, membre dun gang local, la Mara, en rébellion depuis que sa fiancée a été tuée par le chef de la bande, aux méthodes brutales.
Sin Nombre est fortement prévisible dans son déroulement et névite pas toujours les écueils du recours grandiloquent au pathos et aux bons sentiments. On nous a déjà joués maintes fois la carte de la petite frappe sachetant une conduite et découvrant les bienfaits de labnégation. On est donc en droit dêtre circonspect et réservé sur une trame cousue de fil blanc. A linverse, laspect hautement documentaire du film se transformant au fur et à mesure en rail-movie retient davantage lattention en exposant sans fioritures la condition dimmigrés en proie aux bandes organisées qui les dévalisent et les rackettent, quand ils ne les agressent pas physiquement. Sin Nombre montre aussi combien il est impossible de rompre les liens dappartenance à un gang, liens fondés sur des rites et des codes dhonneur dérisoires.
Les contrées traversées apparaissent donc comme une jungle, au sens propre comme figuré. Les terres ocre et la végétation luxuriante servent de cadre trompeusement enchanteur et idyllique à cette épopée marquée au fer rouge de la tragédie et du déterminisme social. La lueur despoir en fin de parcours brille faiblement et dissimule dans la pénombre les bribes atroces et cruelles dune histoire dautant plus terrifiante quelle reflète, en lenjolivant et lédulcorant par des rebondissements presque superfétatoires, une réalité on ne peut plus actuelle. Sin Nombre se présente comme la version fictionnelle en quelque sorte de La Vida Loca, lexcellent documentaire de Christian Poveda.