Bancs publics (Versailles rive droite)
Il ne suffit donc pas de convoquer tout le gratin du cinéma
français en matière de comédiens sexe, génération et style confondus pour donner
le jour à un film réussi. En ce sens, Bancs
publics déconcerte et navre dautant plus quil révèle de la part de Bruno Podalydès, cinéaste que nous
avions connu jusquici plus inspiré, une incapacité totale, qui tourne pour
nous à lantipathie croissante, à dominer un sujet, vaste et ambitieux, comme
une thèse de philosophie sévertuant à sonder lâme humaine et les rapports qui
vont avec dans le monde moderne.
Passés les premiers plans engageants qui suivent larrivée de Lucie au bureau et la filment en longs travellings, lennui et lagacement gagnent au fur et à mesure. Divisé en trois parties, Bancs publics investit dabord des bureaux où se préparent larrivée du boss Borelly et le départ en retraite de Solange. Mais lactivité des secrétaires est perturbée par une banderole laconique affichée sur le mur den face : Homme seul. Les conjectures et autres supputations pleuvent sur ce qui peut se cacher derrière ce postulat affiché. Le film se déplace ensuite au jardin public, avant de se fixer dans un magasin de bricolage.
Que retenir, que penser de Bancs publics ? Une idée davalanche et de profusion dont il ne ressort hélas rien. Profusion, on la mentionné, dacteurs et dactrices dont beaucoup ne sont présents à limage que pour quelques instants, le temps dune ou deux répliques, dune apparition presque fantomatique, le spectateur guettant du coup les circonstances de la susdite apparition. Avalanche ensuite de petites situations, de fragments à peine esquissés, jamais développés qui finissent par donner limpression dun zapping permanent devenant peu à peu un collage foutraque et inintéressant au possible. A cette discipline, Bruno Podalydès natteint pas la cheville dun Altman (Short Cuts), sans parler de modèles littéraires : Georges Perec (La Vie mode demploi) ou Régis Jauffret (Microfictions). Ce qui achève de nous énerver définitivement, cest surtout le nombre de lieux communs et de stéréotypes qui sont ici véhiculés : le réalisateur tendre et burlesque de Dieu seul me voit paraît avoir abandonné la singularité et la pertinence qui caractérisaient jusqualors une approche fine, aux limites dun certain intellectualisme. Bancs publics met en scène une ribambelle de personnages tous plus convenus et archétypaux les uns que les autres, chargés dincarner les maux de lépoque : solitude, incommunicabilité, déshumanisation du monde du travail, compétition et recherche du profit. Nous avons ainsi droit à un catalogue quasi exhaustif sur les pages duquel figure une série dindividus bêtes et beaufs le clou, si on ose sexprimer de la sorte, étant la galerie daffreux jojos (vendeurs et clients) qui hantent les allées du supermarché hideux de bricolage. Et pour alourdir davantage une embarcation prête à sombrer mais depuis Liberté-Oléron, Bruno Podalydès connait les risques de la plaisance le film joue énormément du gag de répétition.
Certes, lanarchie qui règne dans le magasin et le pouvoir
pris par des outils devenus autonomes et fous peuvent faire penser à lunivers
de Jacques Tati, au bémol près quil ny a pas dans ce pensum prétentieux et
ostentatoire la moindre poésie ni grâce. Les dialogues font très rarement mouche,
et certains passages sont à la limite du pénible et du vulgaire. Au final, nous
quittons la projection avec un sentiment tenace dinutilité et de vacuité. Mise
en scène inexistante, absence flagrante de la moindre esthétique qui rapproche Bancs publics dun quelconque téléfilm,
cest aussi limpression dun immense gâchis qui nous étreint. Tout ça pour ça,
laissez-nous rire