J'ai tué ma mère
Avec sa mèche frisée qui lui pend sur le front, on
imaginerait plutôt Xavier Dolan,
Québécois de 20 ans, dans un clip new-wave des années 80. On la pourtant vu
cette année sur la Croisette où il présentait Jai tué ma mère, premier film à haute teneur autobiographique.
Sans saccorder le temps du recul, à peine trois années séparent le réalisateur
du personnage quil interprète, Xavier
Dolan sattaque à liquider un complexe ddipe particulièrement profond.
Elevé seul par sa mère, Hubert la voue à toutes les gémonies, laccable de
reproches, des plus futiles aux plus lourds. Avec plus ou moins raison, il
honnit lintérieur surchargé et kitsch à souhait, les tenues quil juge de
mauvais goût où les motifs de fourrure sont récurrents et le comportement
plouc de sa mère. Laquelle ne sen laisse guère compter, ce qui provoque de
fréquentes engueulades, à table ou en voiture, entre deux êtres tiraillés par
leur drôle damour-détestation.
En pleine crise dado, renforcée par une homosexualité quil cache à sa mère ce qui ne lempêche nullement par ailleurs davoir un petit copain Hubert ne concède rien à celle qui est pourtant le sujet principal de son journal intime tourné en vidéo. Il sinterroge en permanence sur les raisons dun désamour progressif, sur cette haine tenace qui a succédé à lamour dantan. Jai tué ma mère joue subtilement de plusieurs registres, faisant alterner les séquences comiques, grâce aux dialogues hauts en couleurs et truffés dexpressions locales, aux moments les plus graves doù lémotion jaillit sans crier gare. Une tendance qui se confirme au cours du film qui gagne ainsi en gravité et profondeur.
Lunivers personnel de Hubert, et donc de Xavier Dolan, lorgne fréquemment vers lartistique. Un endroit est dabord caractérisé par la succession dobjets qui le décorent. Hubert peint et une scène délirante le montre en plein délire créatif avec son amoureux Antonin. On retrouve dans la mise en scène qui privilégie des cadrages insolites notamment dans les face-à-face, un goût avéré pour lesthétique et le style. Le jeune réalisateur et comédien, qui soccupe aussi des décors et des costumes, ne semble pas manquer de références culturelles les incrustations littéraires à lécran et quelques clins dil en direction de Gus Van Sant ou Wong Kar-wai en attestent.
Perdant en apparenté légèreté ce quil troque en mélancolie et douleur, Jai tué ma mère a, à lévidence, quelque chose de cathartique. De manière inattendue et paradoxale, il en devient une vibrante ode aux mères, dont Anne Dorval campe une représentante énergique, refusant tout apitoiement et de baisser les bras face à son rejeton.
Sur un thème éternel, Xavier
Dolan parvient à livrer une version personnelle, où cohabitent lhumour
féroce et la tendresse cachée, si dure à exprimer. En dépit de quelques défauts
de jeunesse, Jai tué ma mère révèle
un nouveau cinéaste prometteur.