The Green Hornet

Publié le par Patrick Braganti



Artiste français touche-à-tout ayant réussi à faire sa place à Hollywood, ce qui n’est au demeurant pas si fréquent, Michel Gondry avec The Green Hornet franchit une étape supplémentaire dans la réalisation  grâce à l’obtention de moyens et de techniques dont son cinéma jusqu’alors simplement inventif et génialement bricoleur n’avait pas bénéficié. Malgré cette manne apparemment contrôlée par l’industrie et les producteurs de Los Angeles, le réalisateur de La Science des rêves parvient à insuffler dans cette comédie énergique et souvent très drôle une partie tout à fait identifiable de son univers constitué de recyclages et d’appropriations personnelles, distanciées et ironiques où pointe régulièrement la nostalgie de l’enfance. Une époque à la fois cruelle et tendre dans l’esprit de Michel Gondry, comme ce fut aussi le cas pour le héros de The Green Hornet : Brit Reid, fils d’un magnat des médias, qui se retrouve soudainement à la tête d’un empire suite à la mort accidentelle de son père. Le garçon immature et lourdaud se rêve en super-héros et s’adjoint les services de Kato, majordome surdoué de feu son paternel, pour mener à bien ses missions nocturnes.

 

Adapté d’une série télé américaine culte des années 60 (qui avait révélé Bruce Lee), The Green Hornet permet au cinéaste de livrer sa propre vision, à la fois attendrie et décalée, des super-héros. Il réussit ainsi la parfaite alchimie entre les œuvres traditionnelles et performatives (les Batman et autres Spiderman) et les comédies post-adolescentes de Judd Apatow à qui il emprunte d’ailleurs Seth Rogen, un des acteurs fétiche de la troupe du metteur en scène de En cloque, mode d’emploi. On y retrouve le même humour régressif, parfois très bas de plafond, et les mêmes blagues de potache pratiquées par les deux compères, incapables notamment d’aboutir à leurs fins auprès de Lenore Case, la séduisante secrétaire interprétée par Cameron Diaz. Le duo des deux super-héros de pacotille fonctionne parfaitement, en distillant une certaine ambigüité dans leurs rapports et, surtout, en inversant les rôles : ce sont bien le génie et la présence d’esprit du factotum Kato qui nourrissent la mégalomanie et la mauvaise foi risibles de Brit et l’extirpent de situations impossibles.

The Green Hornet ne se prend jamais au sérieux (une qualité qui le rend d’emblée sympathique) et pratique avec tact et inventivité la distanciation. L’exagération est telle qu’elle rend encore plus irréalistes les aventures dingues et loufoques des deux acolytes, mais elle renvoie du coup à la personnalité de Michel Gondry qui déploie sans limite son goût pour le décalé, le second degré et une technophilie foutraque et joueuse. C’est d’ailleurs exactement à ce niveau qu’il convient d’approcher cette exubérante pochade : du clin d’œil à la rivalité sino-américaine à la destruction jouissive des décors (la maison de Brit, le siège du journal) en passant par l’opposition des couleurs rouge et verte, le réalisateur de Human Nature s’en donne à cœur joie et cette joie est à l’évidence communicative et visible sur l’écran, symptôme d’une crise de (post)adolescence en pleine effervescence créatrice, même si le plan final fait rentrer les choses dans l’ordre avec la réhabilitation, au propre comme au figuré, de la statue paternelle.

Publié dans Appréciable

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