The Pleasure of Being Robbed
Nous sommes vraiment
à lépoque du recyclage, y compris dans le septième art. En effet, The Pleasure of Being Robbed, premier
long-métrage de Joshua Safdie, un
nouveau venu de 24 ans, reprend à son compte les dispositifs et lesprit de
liberté presque anarchique qui caractérisèrent les débuts de Jim Jarmusch, figure
emblématique dun courant où sillustrèrent à laube des années 70 toute une
génération dartistes bohème, investissant des lofts, des galeries dart, des
cinémas pour y produire des uvres où le sexe, la drogue et le rock and roll
la sainte Trinité de lépoque avaient la part belle. Cest donc lesprit
amateur et bidouilleur de ses aînés (Jack Smith, Richard Kerme, Nick Zedde,
James Nares, Amos Poe
) que Joshua
Safdie tente aujourdhui de ressusciter en renouant avec un ton et une
forme épris de liberté, rejetant conformisme et formatage, privilégiant un
cinéma de la déambulation et de linvention permanente de sa vie.
Un credo quEléonore,
la jeune héroïne de The Pleasure of Being
Robbed, partage sans conteste. Cette fille paumée erre dans les rues de New
York où sa principale occupation se résume au vol des sacs des personnes quelle
croise, non pour les déposséder de leurs biens matériels, mais juste pour le
plaisir de dérober de petites choses, intimes et sans réelle valeur, et de
pénétrer ainsi dans leur intimité. Néanmoins, le film abandonne vite cette voie
pour suivre Eléonore raccompagnant à Boston un ami Josh (interprété par le
réalisateur) rencontré par hasard. Dans cette escapade improbable, le plus
étrange provient quEléonore conduit pour la première fois une voiture quelle
vient juste de voler. De retour à New York, elle fait ensuite, encadrée par
deux policiers débonnaires, une excursion au zoo de Central Park.
The Pleasure of Being Robbed nobéit à aucune logique narrative et paraît
sinventer devant nos yeux plan après plan. Des plans au demeurant fort
nombreux filmés par une caméra très mobile, incapable de se fixer plus de
trente secondes et produisant une image saccadée et pénible. Hormis toutes les
invraisemblances qui jalonnent le film et qui auraient pu en constituer le
sel la jeune fille fantasque, seule et désuvrée ninspire pas de sentiment
particulier, ni antipathie, ni sympathie. Certes, on apprécie évidemment les
valeurs véhiculées par The Pleasure of
Being Robbed : liberté de mouvement et daction payée au prix de la
précarité et de la solitude, à peine comblée par des rencontres fortuites. Tout
ceci ne mène pas très loin et on est dautant plus reconnaissant à Joshua Safdie davoir limité son film à
71 minutes, ce qui évite un ennui prévisible et occasionne à linverse une
jolie surprise lorsquil prend fin. La minceur du propos ne contribue pas à
rendre indulgent sur un procédé qui apparaît bien périmé et ne révolutionne
rien. Donc pas de quoi sextasier devant un film flattant le snobisme de
certains critiques.
Signalons pour finir
quépaulé par son frère Benny, Joshua Safdie
présente à Cannes son deuxième opus : Go
Get Some Rosemary, lhistoire dun père solitaire récupérant ses deux fils
avec lesquels il va sentasser dans un studio minuscule à New York. A suivre