Les Acacias - Pablo Giorgelli

Publié le par Patrick Braganti

affiche-copie-4Les Acacias, premier film de l’argentin Pablo Giorgelli, qui a reçu la Caméra d’Or à Cannes en 2011, possède d’évidence tous les ingrédients de l’œuvre taillée pour les festivals : trame infime, dialogues quasi inexistants, unité de lieu et économie de moyens. Une carte d’identité balisée qui aurait tout pour faire fuir le spectateur. Pourtant, pour des motifs qui touchent autant à la grâce qu’à l’engagement total et sincère du réalisateur, le charme opère vis-à-vis de cette historiette mettant en présence un camionneur solitaire et taiseux qui transporte du Paraguay jusqu’à Buenos Aires un chargement de bois et une femme avec son bébé qu’il récupère avant la frontière pour la conduire dans la capitale de l’Argentine. Ce qui va se jouer, c’est l’apprivoisement mutuel, puis le rapprochement, entre deux êtres silencieux dont on pressent que la vie n’a pas toujours été facile (difficultés économiques, rupture familiale, …). Mais l’important ici n’est pas tellement l’évolution somme toute prévisible de la relation entre le routier et sa passagère – démarrée sous les plus inamicaux auspices – mais davantage la manière utilisée par Pablo Giorgelli pour en montrer les différentes étapes. Gageure largement tenue, d’autant plus que les deux tiers du film se déroulent à l’intérieur de la cabine de l’imposante semi-remorque. Encore plus étrange : dès que la caméra quitte l’étroit habitacle (pour un arrêt déjeuner, une pause cigarette ou changer le bébé), le film perd du coup de l’intérêt. La promiscuité de la cabine et la proximité des corps qui en résulte avec la monotonie et la longueur du périple amènent obligatoirement le camionneur à abandonner son visage bougon et son humeur renfrognée. D’autant plus qu’entre les deux adultes, le bébé – une adorable petite fille de cinq mois avec des yeux noirs comme deux grosses billes qui lui procurent un regard intense et déjà malicieux – remplit pleinement sa fonction d’agent pacificateur et de lien.


Le film ne manque pas de nuance ni de délicatesse : c’est par la progression de petits gestes (ouvrir la porte, porter les bagages encombrants de la jeune mère et enfin prendre dans les bras le bébé) que le réalisateur indique celle du routier, qui paraît de plus en plus subjugué par l’enfant qu’il ne peut s’empêcher de contempler. Plus que les paroles, rares et essentiellement limitées à l’échange d’informations, ce sont les regards souvent à la dérobée, où la curiosité, la compassion et enfin la tendresse s’expriment, qui servent ici d’indicateurs à la transformation en train de s’opérer.
Sur un dispositif simple, grâce au jeu subtil des deux comédiens, la présence magnétique d’un bébé, Pablo Giorgelli réalise donc un long-métrage pudique, sensible et émouvant. Un voyage au travers des plaines argentines qu’on craignait long et ennuyeux et dont pourtant on ne voudrait pas voir le terme.

 

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Publié dans Appréciable

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