Vengeance

Publié le par cameophilie



Sans doute le hongkongais Johnnie To va-t-il bénéficier pour la première fois d’une combinaison de salles aussi large (pas loin de 300) pour la sortie de Vengeance, son dernier long-métrage. Si sa sélection en compétition officielle à Cannes lui octroie cette distribution avantageuse, c’est avant tout la présence au générique de notre star du rock nationale, Johnny Hallyday, qui suscite l’engouement du distributeur ARP Sélection, qui, au passage, nous a permis aussi de découvrir récemment Tokyo Sonata et Tulpan.

 

Placé sous ce double augure, Vengeance va peut-être aussi permettre au réalisateur de Breaking news de dépasser le cercle restreint des spectateurs qui suivent depuis quelques années sa carrière prolifique, jonchée de petites merveilles esthétiques, véritables bijoux de mise en scène, polars contemplatifs à la violence tellement chorégraphiée qu’elle en devient irréelle, épousant et recyclant les codes du western et du cinéma urbain.

Vengeance ne déroge pas aux principes habituels : alternance de scènes d’actions montées comme des ballets réglés au millimètre et moments plus calmes où se déploie la narration, se développent les rapports entre les personnages et se préparent les rixes à venir.

 

Francis Costello est un restaurateur parisien qui débarque à Hong Kong pour y venger sa fille, dont la famille vient d’être la victime de tueurs à gages particulièrement violents. Johnnie To réussit parfaitement sa mise en place : l’arrivée de Costello, la promesse faite à sa fille et surtout le recrutement des trois hommes censés l’accompagner et l’aider dans sa mission. Car, en plus d’être en toute logique sans repères au sein d’une civilisation qu’il ne connaît pas, Costello perd progressivement la mémoire. Ce qui l’oblige à tout noter, prendre des polaroïds de ses coéquipiers et à finir par s’interroger sur le sens et le bien-fondé de sa démarche. Que ce soit autour d’une table, lors de l’approvisionnement en matériel ou d’une séance d’extraction de balles suite à une intervention, le quatuor fonctionne parfaitement et le public français oubliera très vite le statut d’icône de Hallyday, piètre chanteur mais comédien ö combien convaincant – Johnnie To ayant su à merveille tirer parti de ses particularités, soit une gueule et surtout des yeux bleu métallique et magnétiques et un verbe rare.

 

Dommage néanmoins que Vengeance ne tienne pas toutes ses promesses et ait tendance à s’affaisser vers la fin.  Une impression qui tire ses origines dans le peu d’épaisseur de l’intrigue au sujet de laquelle on aurait aimé plus de complexité, mais aussi dans la répétition des scènes de fusillade qui prennent au fur et à mesure le pas sur le reste de l’histoire. La perte des trois associés de Costello – dans une scène parfaite où les gangsters semblent danser avec des balles de papier – retire hélas tout suspens à Vengeance, l’issue ne réservant plus de surprises, si ce n’est le stratagème mis au point pour aider Costello à identifier sa proie.

 

Il n’en demeure pas moins que le film est superbement construit, interprété par les acteurs fidèles à Johnnie To que ses aficionados reconnaîtront sans peine. Malgré la violence et l’apparente cruauté inhumaine, ces bandits élégants mettent un point d’honneur à ne pas abattre leurs ennemis au cours d’un pique-nique en famille et à préserver la mémoire d’un cousin sauvagement assassiné. Si celle de Costello s’évapore, rendant presque absurde son acte, son sourire revient, attablé sur une plage avec des enfants rieurs et innocents. Comme un ultime regard tourné vers la jeunesse et l’avenir, car Vengeance distille insidieusement une atmosphère de tristesse et de solitude, où prédomine l’idée de perte et de mort.



Publié dans Appréciable

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F
Une très bonne surprise pour moi qui n'avait rien vu de ce metteur en scène...
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